A Paris, au 19ème siècle comme aujourd’hui, une part non négligeable de la population n’a pas les moyens d’accéder à une alimentation suffisante. C’est pour répondre à ces besoins que la Société Philanthropique va créer en 1800 les soupes et fourneaux économiques. Ce dispositif résolument novateur durera jusqu’en 1960 et de nombreuses associations s’en inspireront et s’en inspirent encore. Certains établissements de l’association recevant aujourd’hui des personnes en difficulté sont d’ailleurs en lien avec ces dispositifs d’aide alimentaire, bouclant ainsi la boucle.
Le premier fourneau est créé en 1800, rue du Mail, à Paris. Pour les responsables de la Société Philanthropique de l’époque « on doit chercher, en faisant une soupe économique, à réunir l’économie, l’agrément et la salubrité ». Outre de nourrir les populations pauvres, il s’agit en effet aussi de prévenir les maladies en employant des aliments sains et de bonne qualité. Une préoccupation entrée aujourd’hui dans les mœurs, notamment au sein des établissements de la Société Philanthropique dont certains font appel, par exemple, à des diététiciens.
Le développement durable avant l’heure
La conception des fourneaux économique s’inspire de l’américain Benjamin Thompson. Cet inventeur expérimente ses premiers fourneaux à Munich. Son idée est reprise à Londres à partir de 1798 avant d’arrivée en France, d’abord à Lyon puis à Paris. Son fourneau est muni d’une chaudière peu onéreuse qui limite les pertes de chaleur, générant ainsi des économies sur le combustible. Le développement durable avant l’heure en somme…
Tout est calculé scientifiquement afin de minimiser les coûts et de maximiser les « bienfaits ». Les denrées sont livrées par des fournisseurs agréés par l’association, à des prix négociés. Dans un souci d’optimisation, il est également recommandé de tendre vers une uniformité des pratiques, tant dans la préparation et la composition des soupes qu’en ce qui concerne la dimension des cuillères. Là aussi, la Société Philanthropique fait preuve d’inventivité en manifestant un souci d’économie d’échelle devenu aujourd’hui familier au sein des grandes organisations.
Le fourneau dispose en général de deux pièces : d’un côté une grande salle avec au milieu plusieurs tables entourées de bancs, de l’autre une cuisine séparée par une cloison vitrée dans laquelle est aménagée un guichet qui permet de passer la portion demandée. Il est possible de consommer sur place ou d’emporter des portions à domicile. « Les clients des fourneaux ne sont pas tous des mendiants, précisent les responsables de l’association. Beaucoup d’honnêtes ouvrières, viennent y chercher leur pain et plusieurs portions qu’elles emportent chez elles pour les manger en famille. ».
Des bons pour préserver la dignité des personnes
La dernière originalité du dispositif est son mode d’accès. Des bons sont distribués gratuitement par des membres de la Société Philanthropique. Ces bons peuvent aussi être achetés directement par les utilisateurs. Ce mode de distribution permet à ceux qui se présentent dans les fourneaux et les dispensaires de préserver leur dignité puisqu’ils ont de quoi régler la soupe, personne ne pouvant savoir si les bons ont été achetés ou reçus.
De 1800 à 1939 la Société Philanthropique distribuera un total de 281 millions de portions alimentaires, soit plus de 2 millions de soupes en moyenne par an (plus de 4 millions en 1812).